À l’occasion de la sortie de leur premier album Des corps dans le décor, j’ai eu la chance de pouvoir poser mes questions à deux membres du groupe Mauvais Sang, à savoir Léo Simond et Mathis Saunier, respectivement chanteur et guitariste du groupe.
A.P : Bonjour Léo et Mathis. Est-ce que pour commencer, vous pourriez-vous présenter en quelques mots ?
M.S. : On est un groupe qui s’appelle Mauvais Sang. On est 5 musiciens. Et puis, je dirais que Mauvais Sang est inspiré du film de Leos Carax du même nom. En fait, ce qu’on a adoré dans ce film, c’était ce côté-là, la musique. Elle saute entre la musique contemporaine, la musique classique et le rock : on a du David Bowie dans le film, du Prokofiev, et on a voulu faire la même chose mais à travers un groupe. On fait des sauts entre la musique contemporaine, la musique expérimentale, le rock noise (quelque chose d’un peu agressif, de saturé) et la chanson française. On utilise beaucoup la poésie française, Léo est passionné de Lettres. Et voilà, je pense qu’on a grandi aussi avec des groupes comme Noir Désir donc ça se ressent beaucoup dans nos morceaux.
A.P. : Tu m’as dit que c’est sûrement par rapport à votre enfance que vous avez ces styles en particulier. Est-ce que chacun dans le groupe vous aviez des styles différents et vous les aviez regroupés tous ensemble, ou est-ce que vous aviez déjà à l’origine à peu près, on va dire, les mêmes styles musicaux ?
L.S. : Pas vraiment. En fait, Mathis, oui, il a baigné dans le rock américain dès l’enfance si on remonte vraiment à l’enfance, genre Guns N’ Roses. Mais là, on est vraiment à 12-13 ans et dans le rock français, et c’est lui qui m’a amené à ça. Parce qu’en fait, on a commencé ensemble, on a eu un groupe avant et ensuite, on a fondé Mauvais Sang avec Val, le bassiste. Et après, Antoine et Marion nous ont rejoint par la suite. Moi, j’ai amené un peu plus le côté poétique aux paroles, par l’intermédiaire de mes études et de la littérature entre autres.
A.P. : Tu as commencé à l’évoquer, est-ce que tu peux m’en dire un peu plus justement sur l’histoire de la création du groupe ? Tu m’as dit qu’il y avait un groupe avant. Comment est-ce que vous vous êtes tous rencontrés ? Est-ce que vous connaissiez avant dans votre enfance ou est-ce que c’est par l’intermédiaire, je ne sais pas, d’une rencontre ?
M.S : Avec Léo, ça va faire pas mal de temps qu’on se connaît. Et puis en fait, les autres potes du groupe, on s’est rencontré tous à peu près à travers des annonces. On s’est rencontré relativement tôt, hein ? On avait 17 ans. C’étaient vraiment des annonces dans les écoles de musique, « on cherche un bassiste », « on cherche un batteur ». Et puis voilà, il y a un super feeling qui est passé. Et Marion, la harpiste, ça c’est une anecdote marrante, mais en fait, j’étais son animateur de colonie quand on était plus jeunes. Et puis 4-5 ans plus tard, on cherchait une harpiste pour le groupe et on se dit, « mais elle conviendrait parfaitement ». Et puis elle était vachement cool donc on lui a fait rejoindre le groupe il y a un an.
A.P : Donc, en termes de géographie, vous venez tous de la même région ?
L.S. : Les 4, on va dire. Val, Mathis, Antoine et moi, on vient de la même région, la Haute-Savoie, à proximité de Genève. Et la harpiste, Marion, vient de Paris.
A.P. : Généralement, quel est votre rapport à l’art ? C’est vrai que ça se voit beaucoup, vous avez quand même, on va dire, une identité graphique qui est quand même assez élaborée et qui varie selon vos clips. Déjà, si on prend l’exemple des clips de Décor, 3h47 et Bushman Hole, vous avez trois clips qui sont différents et qui ont leur identité propre aussi. Et même au niveau de votre logo, vous avez quelque chose qui est quand même assez élaboré. D’où est-ce que ça vient, est-ce que ça a un rapport avec l’art en général ?
M.S. : C’est assez intéressant comme question. En fait, je pense qu’il y a un fort rapport au cinéma. Parce que justement, on est tous de gros férus de cinéma. On a des références, des réalisateurs un petit peu controversés comme Gaspard Noé ou Lars Von Trier. Je pense qu’il y a beaucoup de ça finalement dans les clips de Mauvais Sang. Je sais que pour 3h47, c’était très inspiré de Gaspard Noé, des films comme Climax, on adore. Et puis Antoine, le Batteur, il est designer et c’est lui qui a réalisé les deux autres clips. C’est lui qui a réalisé Décor et Bushman Hole. Et là pareil, je pense qu’il y a 2-3 références au cinéma de Kubrick en fait, notamment avec le fœtus à la fin. Non, il y a plein de références en fait.
L.S. : Et aussi la chambre. La porte qui s’ouvre avec de l’eau et qui inonde la chambre au tout début de Bushman Hole, et qui était une référence à l’ascenseur dans Shining, avec le sang qui se déverse partout.
A.P. : Oui, dans tous les cas, dans vos clips, vous avez de fortes références cinématographiques qui sont dues aussi à vos passions, j’imagine, et à l’art en général. Et justement, côté musique, vous aviez commencé à évoquer des influences musicales, Noir Désir par exemple. Est-ce que vous avez d’autres références qui vous inspirent ?
L.S. : Vas-y Mathis, je te laisse répondre peut-être sur la partie musique classique contemporaine. Mais peut-être, plus généralement, on va dire que dans le rock, on a commencé à être influencé par Radiohead, qui a été une claque pour nous et puis comme beaucoup de gens je pense. Genre OK Computer, des albums comme ça. Et ensuite, comme références où vraiment ça se ressent dans l’album, je trouve qu’on pourrait dire Gilla Band, ça s’appelait Girl Band avant, ils ont changé de nom. C’est du punk irlandais il me semble, si je ne dis pas de bêtises. Black Midi, en rock anglais aussi, desquels on se rapproche pas mal. Ça c’est pour tout ce qui touche au rock, et ensuite dans le côté lettres françaises, chanson française, on va être inspiré par l’ancienne génération mais très ancienne genre Léo Ferré, Édith Piaf, Jacques Brel. Dans le plus actuel, dans le rock français, ça va toucher à des artistes comme Grand Blanc, Dominique A, Rodolphe Burger. Et après, pour la musique classique contemporaine, je laisse Mathis.
M.S. Il faut aussi rajouter Bashung.
L.S. : Évidemment, on ne peut pas l’oublier.
M.S. : Et alors, dans la musique contemporaine, je pense que dans Mauvais Sang, quand on parle de musique expérimentale, il y a plus un rapport à l’harmonie et aux couleurs. Et je sais qu’il y a trois compositeurs que l’on adore et qu’on retrouve énormément dans Mauvais Sang. Il y en a qui s’appelle Arvo Pärt qui est un compositeur minimaliste. Il est très vieux maintenant, mais c’est incroyablement simple sa musique, ça parle tellement. C’est assez impressionnant parce qu’il a créé une technique où c’est juste l’utilisation de 3 notes, mais il les inverse dans tous les sens et ça crée des morceaux, et c’est vraiment efficace. Donc Arvo Pärt, Thomas Adès qui est un compositeur anglais. Et d’ailleurs, on a un morceau qui lui rend hommage. Le morceau s’appelle Monument et rend hommage à une de ces pièces qui s’appelle In Seven Days. Et puis sinon oui, des compositeurs contemporains ça va être Penderecki, Getty, Messiaen, tous ces grands noms-là de la musique du 20e siècle.
A.P. : Tu parlais aussi de musique expérimentale. C’est un peu comme ça qu’on pourrait résumer votre musique à vous. Ce que j’ai pu remarquer aussi, enfin c’est mon expérience personnelle, c’est que vous arrivez quand même à convertir une certaine partie d’auditeurs qui ne seraient pas du tout enclin à aller vers ce genre de musique et qui finalement vont arriver à apprécier votre musique. Comment est-ce que vous pourriez l’expliquer ?
L.S. : Peut-être que le format est adéquat on va dire. Tu vois par exemple, Décor, ça dure 3 min. Le concept du morceau, une fois qu’on le saisit, il intrigue, il choque un peu. Et c’est vrai qu’avec ce morceau un peu mathématique, ça captive dès le début. C’est vrai qu’à la sortie de l’album, j’ai reçu beaucoup de messages qui disaient « j’écoutais pas du tout ça, mais voilà c’est intrigant, une fois qu’on écoute l’album d’une traite, on observe la cohérence du projet ». Les clips, je pense que ça aide beaucoup. Enfin, le clip de Bushman Hole, nous on trouve qu’il aide beaucoup aussi à rentrer dans la musique. Il peut paraître hyper surprenant parce que ça va un peu partout, parce que ça a une apparence un peu déstructurée dans ce qu’on fait, alors qu’au contraire, tout est minutieusement préparé et concocté. Mais je pense qu’on arrive à proposer un format adéquat et aussi des morceaux qui sont plus accessibles. Il y a des morceaux qui surprennent un peu comme Décor mais qui restent dans un format radio entre guillemets, 3 min, et il y a d’autres morceaux qui sont très mélodiques, très mélodieux comme Monument, comme Le Refuge de la Vormaine, comme Quand Disparaître qui est très simple avec une structure couplet/refrain/couplet/refrain. Peut-être que c’est pour ça qu’on arrive à convertir des auditeurs qui viennent de milieux totalement différents. Je ne sais pas toi de quel style tu viens particulièrement, mais je pense que c’est en partie pour ça.
M. S. : C’est marrant ce que tu dis parce qu’en fait, je pense que, même si on est très influencé par la musique contemporaine, la musique expérimentale ce n’est pas forcément ce qu’on fait en fait directement. Je pense qu’on reprend vraiment juste les outils, on va piocher un petit peu. Je pense que, de base, on est vraiment un groupe de rock quand même. On va juste piocher les outils qui nous intéressent, ce travail de l’harmonie, le rythme, on récupère, on prend les outils et puis après, on les amène dans un format de chanson tout simplement.
L.S. : Ouais, je pense. On fait des trucs quand même vraiment abordables. On se contente de piocher vraiment ce qui nous intéresse, mais est ce qu’on fait vraiment de la musique expérimentale ? Peut-être pas en fait finalement. Il y a des touches expérimentales, mais je pense qu’on reste quand même un groupe de rock français.
A.P. : Vous avez commencé à parler de cohérence, de projet. Est-ce que dans ce premier album vous avez des thèmes qui reviennent particulièrement, est-ce que vous avez un fil conducteur dans l’ensemble de cet album ?
L.S. : Oui, il y en a un. Disons que le premier fil conducteur qu’on peut citer, à mon avis, c’est le corps. Tu as Des corps dans le décor, le titre de l’album. Et ce corps, je m’en suis rendu compte après à force d’en parler, mais il apparaît dans plusieurs décors, on va dire. Il apparaît dans le décor de la boîte de nuit, donc là il y a vraiment trois morceaux qui font référence : Décors, 3h47 comme tu as pu voir et le dernier Corps. Ensuite, il y a d’autres morceaux qui touchent à cette thématique du corps, mais qui se retrouve dans des morceaux comme Vénus Anadyomène. Donc là, c’était vraiment une pure référence littéraire à Rimbaud. On avait voulu reprendre le poème de Rimbaud, mais en le cassant un peu. On n’a pris que les vers qui nous intéressaient, puis on en a fait une espèce de transe monotone. Vénus Anadyomène, ça raconte l’histoire du corps flétri d’une prostituée sous le Second-Empire qui est en pleine décomposition, qui est en pleine mort. C’est ironique parce qu’il l’appelle Vénus et qu’il y a toujours un imaginaire de beauté alors qu’en fait, c’est le corps vulgaire d’une prostituée à l’agonie. Autre morceau qui touche au corps, c’était Dieux où je me suis amusé à reprendre les formules des 10 commandements de Moïse pour « tu n’auras pas d’autre Dieu que toi », pour pointer une sorte d’individualisme qui nous anime tous et surtout moi, par un culte du corps, et cetera. Donc voilà, je dirais que le fil conducteur, c’est un peu le corps sous toutes ses formes.
A.P. : Peut-être une question un peu plus personnelle, mais est-ce dans ce premier album, vous avez un titre qui vous parle plus personnellement ou que vous préférez parmi tous les autres ?
L.S. : Moi j’ai déjà ma réponse si tu veux. Je pense que c’est Le Refuge de la Vormaine. Le plus abordable, le plus accessible. Après, il ne faut pas commencer par celui-là. Il faut commencer par Décor, pour moi, si on doit découvrir Mauvais Sang. Mais lui, en tout cas, c’est vraiment une balade abordable qui peut être plébiscitée dans tous les sens. C’est le texte qui me tenait le plus à cœur parce que ça représente deux chambres. Une chambre qui symbolise le fait qu’un amour se termine et qu’il faut passer à autre chose, et la suivante qui symbolise une sorte de nouvelle vie vers de nouveaux horizons amoureux. Je trouvais que la métaphore des chambres pour symboliser un peu ces allers-retours que parfois, on refait avec une ex ou des trucs comme ça, c’était plutôt pertinent, donc c’est pour ça que c’est mon texte préféré et mon morceau préféré.
M. S. : Moi, je vais tricher un petit peu, j’en ai deux. Le premier, c’est Monument. Je ne saurai vraiment pas trop expliquer pourquoi, qu’est-ce qui m’attire sur ce morceau. Mais je pense que le travail sur l’harmonie me plaît beaucoup et c’est le morceau qui est en hommage à Thomas Adès. Il reflète très bien l’influence des couleurs, de la musique contemporaine. Et puis le rock. Il y a cette espèce de progression qui monte, qui monte et qui touche un peu des sommets, qui arrive jusqu’à une espèce de climax avec des cordes, et je pense que ça, ça résume beaucoup ce qu’on essaie de faire. Je pense que c’est pour ça qu’il me tient autant à cœur. Et puis l’autre morceau, c’est un petit peu plus symbolique. Il s’appelle Quand Disparaître. C’est le morceau qui clôture l’album. C’est un morceau qui parle d’un enfant qui était maltraité, que j’ai rencontré en colonie de vacances, encore une fois. C’est une sorte de balade qui berce un enfant et qui, entre guillemets, marche lentement vers une sorte de fatalité. D’ailleurs, c’est le prochain single du groupe.
A.P. : Avant de sortir votre premier album, vous avez sorti trois singles. Au niveau du processus de création de cet album, comment est-ce que vous avez fait pour sortir cet album ? Est-ce que tout le monde touche un peu à tout ou est-ce qu’il y a vraiment quelqu’un qui va s’atteler à écrire les paroles, une autre à composer la musique et puis qu’après tout le monde se réunit sur une même base ? Est-ce que finalement, je ne sais pas, vous faites une sorte de brainstorming entre vous ? Voilà, dites-moi un peu comment est-ce que vous fonctionnez ?
L.S. : Je pense que, généralement, la plupart du temps, on se retrouve quand même souvent à deux, avec Mathis. Les autres, ils viennent un peu en décaler. Là, je te parle vraiment de déplacement parce qu’en fait, on compose tout à Chamonix, dans la maison de mon arrière-grand-mère. On se réunit à chaque fois tous les étés pour composer. C’est là qu’on va faire le second album à priori cet été aussi, on va se pencher dessus. Généralement, Mathis arrive avec des bouts de morceaux plus ou moins aboutis, ça dépend. Ça dépend lesquels. Quelquefois, il y a tout à faire. Quelquefois, il n’y a quasiment rien à faire. Et moi, j’arrive avec des textes aussi plus ou moins fini, on adapte ensuite, on triture un peu le texte. Généralement, ça manque de refrain parce que je construis les textes un peu comme des poèmes, et rarement comme des chansons. Ensuite, on soumet le morceau aux autres, on le soumet à Antoine, on le soumet à Val, on soumet à Marion. Ensuite, on essaie quand même toujours de rajouter des touches de harpe comme c’est important, essayer d’avoir vraiment une touche de harpe qu’elle soit expérimentale, avec des effets dessus, avec de la distorsion par exemple, ou alors qu’elle soit utilisée dans un usage un peu plus classique, avec beaucoup, avec une très forte harmonie, une très forte mélodie. Donc je dirais que c’est comme ça qu’on construit généralement nos albums et les projets.
M. S. : C’est vrai, finalement, même la harpe, elle est toujours arrivée en… pas en cerise sur le gâteau, mais elle vient ajouter une sorte de vernis. Pourtant, c’est un petit peu l’instrument symbolique du groupe. Quand on est sur scène, c’est l’instrument qu’on note tout de suite parce que c’est imposant. C’est particulier quand même une harpe dans un groupe de rock. On est en train de commencer gentiment de penser au second album, et en fait, on aurait vraiment envie d’essayer de complètement déconstruire notre façon de fonctionner, notre façon de composer et de faire commencer beaucoup de choses à partir de la harpe ou de s’autoriser un petit peu plus à expérimenter avec l’instrument lui-même, et voir où ça nous mène.
A.P. : Vous avez parlé de concerts aussi. Quelle place ça occupe dans votre vie, dans votre musique ? Quelle importance ça a ? Et puis, si vous pouviez nous raconter, par exemple, votre premier concert, comment est-ce que ça s’est passé ?
M. S. : La place de la scène dans Mauvais Sang ? Oui, il y a quelque chose de très scénique déjà. On travaille énormément comme tu l’as dit, mais on a un travail sur le plan visuel, il concerne les clips, mais il concerne aussi les concerts. On pense beaucoup en termes de gestuelle, il y a des chorégraphies parfois. On pense beaucoup à l’aspect visuel de ce qu’on renvoie, on est tous habillés en blanc. On effectue un travail sur les lumières, il y a une énergie rock qui est présente. On est beaucoup en mouvement, mais c’est vrai qu’on aime créer, on aime vraiment justement garder aussi ce lien avec le public, et puis créer quelque chose pour ne pas mettre une distance. Donc, ouais, non, non, c’est assez fondamental pour Mauvais Sang le live.
L.S. : Du premier concert, on va dire qui a compté pour nous, c’était à La Boule Noire. C’était en octobre dernier et c’était cool. C’était à l’occasion d’une sorte de scène mensuelle qui s’appelle les Inrocks Super Club. Ce sont les Inrocks, donc le magazine, qui nous suit pas mal d’ailleurs et qui a vraiment relayé tout ce qu’on a fait depuis le début, et Super, un tourneur. Ils organisent comme ça des dates à Paris, une fois par mois. Nous, on était programmé en octobre et c’était notre premier gros live. On s’était préparé tout l’été, on avait bien répété avant. C’était enfin une belle première expérience. Enfin, le live était bien abouti. Et puis, petite anecdote, je me souviens qu’avant d’entrer sur scène, on pensait qu’il n’y avait personne parce qu’il y avait beaucoup de fumée. Je jette un œil derrière le rideau, je vois qu’il n’y a personne. Trois personnes. Donc je me dis, il est 20h, mais il n’y a vraiment personne quoi, c’est Paris, mais il n’y a personne. Et au moment d’entrer sur scène, tout le monde s’est rapproché, ils étaient tous derrière. Moi je suis un peu catastrophiste comme garçon et je me suis dit « Voilà, alors ça commence bien, un premier concert où il n’y a personne, on est à Paris, on est à La Boule Noire, il n’y a personne », mais ce n’était pas le cas.
A.P. : Et depuis, est-ce que vous avez eu l’occasion de refaire des concerts ? Est-ce que c’était différent de ce premier concert-là ?
M. S. : On a eu le Nouveau Casino qui était quelques jours après. C’était un format complètement différent. C’était plus cadré, on va dire entre guillemets. Ça a beaucoup mis la lumière sur différents problèmes techniques ou sur nous-mêmes, sur une espèce de format à adapter. Savoir s’adapter même en général. Il y a eu plusieurs petits problèmes techniques et on a tout de suite vu ce sur quoi on devrait se pencher pour les futurs concerts. Travailler toutes ces petites choses-là pour que tout soit parfait la prochaine fois, pour septembre/octobre. Parce qu’en fait, en septembre/octobre, on est censé partir en tournée. Il va y avoir les dates qui vont un peu se multiplier, puis le but de Mauvais Sang aussi, c’est vraiment de procurer une claque scénique parce que peut-être qu’il y a la barrière de l’album. Il faut voir en live l’énergie qui s’en dégage, la théâtralité. Et puis, il y a déjà quelques dates qui sont tombées, on va jouer à Paris le 9 septembre à l’Olympic Café, on va jouer à Orléans au festival Hop Hop Hop le 16 septembre. Il y a d’autres dates qui vont qui arriver qui sont dans les tuyaux donc voilà l’actu qui va arriver prochainement.
A.P. : Peut-être aussi une question un peu plus personnelle. Si jamais vous aviez l’opportunité de choisir n’importe quel artiste ou n’importe quel groupe pour faire un feat avec lui ou eux, qui est-ce que ce serait ?
L.S. : Ça tombe bien parce qu’en plus, on est en train de réfléchir à des collaborations. On a récemment parlé avec Dominique A dont on a parlé tout à l’heure, qui était une de nos grandes influences et qui disait que, par manque de temps, il ne pourrait pas collaborer avec nous pour ces morceaux bonus de l’album, mais il nous avait dit un terme intéressant. Il a dit « je recherche beaucoup plus des collisions. » Enfin, c’est vrai que nos styles se rapprochent par certains aspects. Donc j’aimerais bien qu’on collabore, en mode recherche de la collision avec des artistes comme l’écrivain Michel Houellebecq par exemple, qui chante aussi et qui était au Printemps de Bourges et qui a récité ses poèmes avec un fond un peu électronique, bizarre, expérimental derrière, et je me suis dit que ça pourrait le faire avec nous. Sinon, dans un tout autre registre, j’aimerais bien des chanteuses comme Ibeyi parce que c’est une touche un peu plus cubaine, latina, et j’aimerais bien voir ce que ça fait sur nous. Dans ce domaine-là, la collision sera intéressante justement.
A.P. : Donc vraiment des styles aussi pour, comme tu l’as dit, créer cette collision-là entre votre musique et peut être celle d’un autre artiste.
L.S. : Je pense. Après, Mathis, peut-être que tu as d’autres idées.
M. S. : Ouais, moi je pense que ce serait plus sur la scène anglaise. Et puis l’Islande. Mais j’ai deux artistes auxquels je pense, mais bon là, ce sont vraiment les collaborations de nos rêves. Justement, le guitariste qui m’a donné envie de faire de la musique contemporaine et de composer avec des partitions, c’est Johnny Greenwood qui est le guitariste de Radiohead. Un grand bonhomme très passionné de musique qui est derrière les manettes. Johnny Greenwood, il a une place dans Radiohead, il embellit ce que fait Tom York. Il gère les manettes derrière, ça on ne le sent pas beaucoup. Et puis sinon Björk, grand grand fan de Björk. Rien qu’hier, je buvais des coups avec des potes d’un orchestre. Et puis pareil, tout le monde veut collaborer avec Björk quoi. Et puis c’est le genre de personne qui t’appelle à 1h du matin en disant « écoute, j’ai découvert ta musique, je veux la sampler ». Et en fait, elle change des vies cette dame. Donc Björk, si jamais tu écoutes cette interview, j’attends ton appel.
A.P. : Pour finir, est-ce que vous avez une dédicace à faire, un petit mot pour conclure toutes ces questions ?
L.S. : Allez écouter l’album, posez-vous et écoutez l’album lors d’une nuit calme avec attention. Moi je dirais ça. Honnêtement, ouais, je pense que la meilleure chose à faire, c’est vraiment d’entrer dans cet album avec l’introduction. Et surtout, de venir en live. Écoutez l’album, et venir en live. Je pense que vraiment les deux se complètent incroyablement. Et pourquoi commencer par l’introduction ? Parce qu’il y a quand même Denis Lavant qui pose sa voix sur notre premier album, puis c’était très important pour nous sachant qu’en gros, c’est l’acteur principal qui joue Alex dans le film Mauvais Sang. La symbolique est d’autant plus forte pour un premier album d’avoir Denis Lavant qui vient réciter les paroles de Monument. Il y a quand même une certaine aura autour de ce premier album qui est amplifiée par la présence de Denis.
M. S. : Ouais, c’est assez important sa présence. Et puis, pour moi c’était très symbolique. Et pour la petite anecdote, le jour où on l’enregistre, il est marrant parce qu’il est tout petit en taille, et puis il a cette voix hyper roque qu’on lui connaît, enfin très enraillée. Et en fait, quand on se voit, on avait 1h, après il enchaînait avec un clip pour Feu! Chatterton. Donc on se voit, je lui donne le texte, il le regarde vite fait, il met ses lunettes, et puis après il part. Et en fait, il revient, il s’était changé d’habits et il était un personnage, il avait changé de fringues. Il était prêt à se mettre dans la peau du personnage qu’il avait créé pour le temps de cette mini introduction. Et je trouvais ça vraiment beau en fait, de la part d’un acteur de vraiment jouer le jeu à fond et d’avoir imaginé un nouvel univers à travers cet album et de s’être mis dans la peau de quelqu’un d’autre. J’ai trouvé ça vraiment fort et c’était beau. Et puis, tu as un petit truc avec Denis Lavant, mais justement, ça clôture bien je trouve. Mauvais Sang, je l’ai découvert à travers mon père qui était fan de ce film, alors je pense qu’il y a aussi une petite porte un peu symbolique, cette impression de marcher un petit peu dans les traces de ton père. Et puis c’était beau d’enregistrer Denis Lavant, mon père a grandi avec cet acteur, et au bout d’un moment je lui dis « écoutez, voilà, si je fais ça, c’est grâce à mon père. Vous lui avez changé beaucoup de choses, vous avez énormément marqué son enfance. Et puis il y a quelque chose qui s’est passé à travers votre film. » Puis il m’a répondu cette phrase toute simple. Vraiment, il m’a juste dit « Bah c’est fait pour ».